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Le retour de "L'homme de la rue" de Paul Delvaux

Un beau moment ce lundi 4 juin à La Boverie : l'accrochage par nos équipes du chef d'oeuvre de Paul Delvaux, L'homme de la rue. 

Cette peinture, classée en 2013 comme Trésor de la Fédération Wallonie-Bruxelles, n'avait jamais été accrochée à La Boverie depuis la réouverture du musée. En effet, elle a subi une longue restauration, de février 2016 jusqu'il y a quelques jours. Particulièrement sensible au climat et aux variations de température, l'oeuvre avait été fragilisée. En perte d'élasticité, la toile détendue, il était primordial de la restaurer pour la préserver. 

Munie d'un nouveau cadre, et une protection en plexiglass, l'oeuvre a pu être accrochée ce lundi 4 juin en matinée, dans la partie du musée consacrée aux Collections permanentes, section Surréalistes. 

A l'occasion de cette belle actualité, nous vous proposons de découvrir la notice consacrée à cette oeuvre dans notre catalogue, notice rédigée par Régine Rémon, Première conservatrice du Musée des Beaux arts de Liège.

L'Homme de la rue constitue une oeubre emblématique de la production de Paul Delvaux. Il appartient à la période surréaliste de l'artiste, considérée comme la période de maturité qui, à partir de 1935, voit naître plusieurs peintures phares dont Les noeuds roses, Les sirènes, La ville endormie, La ville inquiète, Pygmalion, L'éveil de la forêt, La place publique.

Après une période impressionniste, puis expressionniste, Delvaux s'invente un monde tout à fait personnel, clairement reconnaissable. Il bouscule l'ordre établi, se joue du temps et de l'espace. Les sujets, les environnemnets se côtoient et créent une ambiance étrange qui n'a plus rien à voir avec la réalité mais qui devient sa réalité. Delvaux s'en explique : "Lorsque j'osais peindre un arc de triomphe romain et, sur le sol, des lampes allumées, le pas décisif était franchi. Ce fut pour moi une révélation extraordinaire."

L'homme de la rue est représentatif du répertoire de Delvaux. Dans un paysage lunaire peuplé d'arbres effeuillés et de pierres, la figure féminine centrale de l'avant-plan, coiffée de lierre, telle une Vénus de Botticelli, rend hommage à la Renaissance italienne, tandis que le temple en ruines évoque l'Antiquité. Personnage énigmatique, l'homme de la rue, en costume et chapeau melon, absorbé par la lecture de son journal, est insensible aux séductions d ela chair, personnalisée par trois silhouettes nues. Décalage chronologique, référence aux cultures que Delvaux admire, l'Antiquité et la Renaissance, la toile exprime aussi un sentiment récurrent dans son oeuvre, l'incommunicabilité entre les êtres, qui s'ignorent et ne se voient pas. 

L'homme de la rue présente une facture lisse et léchée, un dessin précis et minutieux et une étonnante fraîcheur de coloris. La composition est équilibrée, conçue autour d'un axe central avec une superposition de plans qui accroît la profondeur de la scène. L'ensemble reste dépouillé, contrairement à certaines oeuvres de la même époque où Delvaux pèche par une redondance de détails qui nuit à la lisibilité de l'ensemble.

L'oeuvre datée de janvier 1940 échappe au contexte particulièrement dramatique de l'époque. L'année suivante, La ville inquiète sera plus en phase avec les événements tragiques. Le tableau est acquis en 1940, année de sa création, par le gouvernement belge qui le met en dépôt au Musée des Beaux-Arts de Liège. Il s'agit de la première oeuvre surréaliste majeure entrée dans les collections liégeoises. 

R.Rémon, catalogue du Musée des Beaux-arts de Liège, Liège, 2016