Vous êtes ici : Accueil / Annuaire / Art Public / Le Mur des Libertés
Actions sur le document

Art Public / Le Mur des Libertés

Néant

La genèse du projet

L’arrivée massive des Espagnols à Liège

Si dès la fin de la guerre civile (1936-1939) on voit arriver les premiers immigrés espagnols à Liège, c’est surtout entre 1955 et 1965 qu'ils viennent en nombre rejoindre la ville et sa périphérie.

Pour beaucoup d’entre eux, il s'agit de fuir la répression et les persécutions qu'impliquent leur résistance à la dictature du général Franco. D’autres fuient simplement la misère à laquelle le même régime les condamne.

Dès leur arrivée à Liège, les Espagnols s’installent à proximité du centre-ville et tout particulièrement dans le quartier Saint-Léonard. Très vite, pour permettre le regroupement de leurs concitoyens, la défense de leur langue et de leurs valeurs culturelles ainsi que l’organisation de leur lutte de libération du régime fasciste, ils ouvrent des centres portant le nom de clubs García Lorca, en hommage au poète espagnol, emblème de tolérance et porte-drapeau des libertés.

Robert Capa, Réfugiés marchant sur la route entre Barcelone et la frontière franco-espagnole, 25-27 janvier 1939 © International Center of Photography / Magnum Photos

Le projet du collectif Génération Lorca

En octobre 2009, un groupe d'amis de la deuxième et la troisième générations d’immigrés espagnols ayant tous fréquenté les Clubs F.G. Lorca créent le collectif Génération Lorca. Ils décident d'organiser des activités visant à rendre hommage à leurs parents et grands-parents à l'occasion des 50 ans de l'immigration massive des Espagnols vers la Belgique (1950-2000). En septembre 2010, le collectif rencontre le plasticien Alain De Clerck dans le but de réaliser un monument ; ce dernier les accompagne dans tout le processus de réflexion.

Ensemble, ils développent l'idée d'une sculpture implantée sur la place Saint-Léonard. Forts d'une collaboration étroite avec Aloys Beguin, l'architecte ayant réhabilité cet espace, le projet se peaufine pendant plusieurs années avec le soutien actif de la cellule art public. En 2013, le Conseil communal vote le budget pour la réalisation de l'oeuvre.

Pour renforcer la portée éducative du projet, une plaquette touristique en français et en espagnol a été éditée et un dossier pédagogique est mis à disposition des enseignants et éducateurs.

Description de l'oeuvre

De dimension monumentale, le Mur des Libertés comprend :

  • la phrase "Dans le drapeau de la liberté, j'ai brodé le plus grand amour de ma vie" en épaisses lettres d'acier (40 cm de haut), elle s’étire sur plus de 25 m sur le mur de soutènement du fond de la place Saint-Léonard ;
  • une table en acier (environ 1600 kg et 4,5 m de longueur) en forme de carte d’Espagne entourée de 29 tabourets permettant d'accueillir une classe et son professeur, elle est conçue comme un outil didactique pour évoquer la question de l'immigration ; elle participe à la convivialité du lieu.

 

La phrase est extraite de l’oeuvre théâtrale de Federico García Lorca Romance populaire en trois estampes (estampe III, Scène V) datant de 1925.

Mariana : (exaltée et protestant fièrement de sa condamnation à mort)
Non, ce n’est pas possible ! Lâches !
Qui ordonne en Espagne de telles infamies ?
Quel crime ai-je commis ? Pourquoi me tuez-vous ?
Où est la raison de la Justice ?
Dans le drapeau de la liberté, j’ai brodé le plus grand amour de ma vie.
Et je dois rester enfermée ici ?
Qui eut des ailes cristallines pour m’envoler à ta recherche !

Le texte rédigé par le collectif Génération Lorca pour la table.

Cette oeuvre rend hommage à nos parents et à tous ces hommes et ces femmes qui ont fui la dictature espagnole de Franco (1936-1975) pour des raisons politiques ou économiques. Elle exprime également leur gratitude pour l’accueil qu’ils ont reçu des Liégeois.

Leur liberté retrouvée est symbolisée par cette phrase du poète espagnol Federico García Lorca, fusillé à l’aube du 18 août 1936 par des fascistes, près de Grenade, pour ses opinions républicaines et son homosexualité.

Il avait dédié cette phrase à Mariana Pineda (1804-1831), étranglée par le supplice du garrot, sous le règne de Ferdinand VII, pour avoir brodé sur un drapeau « Loi-Liberté-Égalité ».

Parmi d’autres, les exemples du poète et de l’héroïne ont inspiré les immigrés espagnols dans leur lutte pour la démocratie et la liberté.icipe à la convivialité du lieu.

Federico García Lorca (1898-1936)

Poète, dramaturge, metteur en scène, dessinateur, folkloriste et compositeur espagnol.

En février 1936, le Front Populaire remporte les élections législatives espagnoles et forme un gouvernement républicain. Mais, le 17 et 18 juillet, depuis les territoires espagnols d’Afrique du Nord, un groupe de militaires, dont le général Franco, déclenchent un coup d’Etat contre ce gouvernement : c’est le début de la guerre civile (1936-1939).

Le 20 juillet, Grenade tombe dans les mains des rebelles fascistes alors que Federico García Lorca s'y trouve pour rendre visite à sa famille. Le beau-frère de Lorca, bourgmestre socialiste de la ville, est arrêté, puis fusillé par les rebelles un mois plus tard.

Réfugié chez son ami le poète Luis Rosales, Federico García Lorca est lui aussi arrêté le 16 août 1936.Transféré au gouvernement civil de Grenade, il est accusé d'être un agent des rouges. Il est fusillé à l'aube du 18 août.

Mariana Pineda Muñoz (1804-1831)

Opposé au Parlement de Cadix qui avait adopté sa première Constitution en mars 1812, le règne de Ferdinand VII (mars-mai 1808, puis 1814-1833) marque la persécution des libéraux et le retour de l'Inquisition.

Dans ce contexte, Mariana Pineda, qui évolue dans l’entourage progressiste luttant contre l’absolutisme royal, est dénoncée pour avoir brodé sur un drapeau la devise : « loi – liberté – égalité ». Elle est arrêtée le 13 mars 1831 et exécutée à Grenade le 26 mai, en même temps qu'on brûle le drapeau responsable de sa détention.

En 2006, l'Union Européenne lui rend hommage en donnant son nom à l’espace qui se trouve à l’entrée principale du Parlement européen, à Bruxelles, comme un symbole de la contribution espagnole à la lutte pour les droits et libertés en Europe.

Les partenaires

Le collectif Génération Lorca

Nous étions jeunes durant les années 1960-1970. Pour la plupart, nous sommes arrivés en Belgique avec nos parents, qui eux se sont installés dans les années 1950-1960. Nous sommes donc la deuxième génération des émigrés espagnols.

Nous avons grandi ensemble dans les clubs F.G. Lorca de Liège. Là-bas, nous avons noué des amitiés fortes, autour de valeurs de solidarité et de lutte avec le peuple espagnol, durement frappé par la dictature de Franco. Dans ces locaux, nous avons développé une culture d'ouverture, de fraternité, des valeurs humaines et internationalistes, mais aussi culturelles et sportives.

Nos racines, nous les trouvons également dans les luttes solidaires avec nos camarades belges, italiens, chiliens et vietnamiens. Beaucoup d'entre nous ont été présents dans les luttes sociales dans le bassin liégeois et ailleurs. Certains ont aussi continué ce combat en retournant en Espagne.

Pour un grand nombre, la Belgique, d'abord hostile lors de notre arrivée, est devenue terre d'accueil et de vie. Notre intégration et ancrage dans le territoire liégeois sont aujourd'hui une réalité.

Le collectif Génération Lorca a pour tâche de tout mettre en oeuvre pour que les jeunes de la troisième et enfants de la quatrième génération connaissent leurs racines et le chemin parcouru par leurs parents et grands-parents.

Alain De Clerck (In Cité Mondi asbl)

Alain De Clerck (°1967) est un plasticien liégeois actif sur la scène internationale. Dans ses oeuvres, la participation du public est essentielle. Cet artiste considère le monde comme sa véritable matière première et se qualife d’artiste « In Cité ».

Au sein de l'asbl In Cité Mondi, depuis de nombreuses années, il crée des dispositifs interactifs qui impliquent et matérialisent un déploiement d’énergies humaines, institutionnelles et privées. Ainsi, sa Roue de Feu sillonne les festivals belges depuis près de 15 ans et son projet de Flamme de la Culture, lancé en 2002 à Liège, est devenu un réseau culturel international sous le nom de SPACE Collection. Parmi ses autres réalisations, on peut pointer le dispositif du Drapeau européen pour l’élargissement de l’Europe, présenté à Bruxelles en 2004 et à Bucarest en 2007, ainsi que le projet Goal, qui vise à sensibiliser de manière ludique les citoyens à la coopération au développement. En septembre 2011 et novembre 2012, avec l'aide de l'association Avaaz, il installe sur le rond-point Schuman, au coeur de l'Europe politique, un immense drapeau palestinien interpellant les Ministres des Affaires étrangères européens réunis pour discuter de la demande d'adhésion à l'ONU de la Palestine.

Bureau Beguin-Massart

Fondé en 1991, le bureau d'architecture Beguin-Massart reçoit la mention « highly commended » au 6th European Urban and Regional Planning Awards en 2006 à Séville pour le projet du Parc Saint-Léonard à Liège (en association momentanée avec Arlette Baumans, architecte-urbaniste). Parmi ses nombreuses réalisations liégeoises dans le domaine de l'architecture, du design et de la scénographie, on peut pointer deux projets d'aménagement d'espaces muséaux : les rénovations et extensions du Trésor de la Cathédrale (Prix de l'Urbanisme 2012) et du Madmusée au parc d'Avroy.

Le Mur des Libertés
Œuvre monumentale et pédagogique "Le Mur des Libertés".