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Jacques Clauzel

Jacques Clauzel,
Nîmes (France), 1941


 

Peinture à l’acrylique sur papier Kraft, tendue sur châssis
1300 x 970 mm, 2017
Inv. N° BA AMC.05g.2019.005755

« Pour exulter, l’œuvre ne réclame ni violence, ni fureur, ni grandiloquence. La qualité de son silence y suffit ». (Jacques Clauzel)

La dernière donation importante effectuée en faveur du Musée des Beaux-Arts de Liège est due au peintre français Jacques Clauzel.

Jacques Clauzel est originaire de Nîmes, en France, où il vit et travaille. Après des études aux écoles des Beaux-Arts de Tourcoing, Montpellier, puis Paris, il entreprend un séjour de plusieurs années dans différents pays d’Afrique, il y réalise des missions photographiques, enseigne la peinture à Abidjan et publie des ouvrages de reportage sur le continent africain. De retour en France, il crée un cours de photographie à l’école des Beaux-Arts de Montpellier. En 1983, il réalise ses premiers essais en gravure, eaux-fortes et aquatintes, techniques qu’il développe dès 2000, il ne se définira cependant pas comme un graveur mais comme « un peintre qui fait de la gravure ». Parallèlement, il aborde une réflexion sur le livre d’artiste, il en réalisera plus de trois cents, en collaboration avec des écrivains et poètes. Clauzel multiplie les expositions en France mais pas seulement. Il effectue également plusieurs donations importantes, notamment au bénéfice du Musée de Gravelines, du Musée Paul Valéry à Sète, du Musée Réattu d’Arles, de la Bibliothèque Jacques Doucet à Paris … et récemment du Musée de la Boverie de Liège.

Les liens avec la cité ardente ne sont pas nouveaux. En 2007, Clauzel participe à la sixième édition de la Biennale internationale de Gravure contemporaine de Liège. Il propose alors un ensemble de gravures récentes mêlant aquatinte et pointe sèche, et obtient une mention spéciale. Cinq ans plus tard, en 2012, le Musée d’Art moderne et d’Art contemporain présente, sous l’appellation poétique « Deux peintres du peu », les travaux d’un ténor de l’abstraction lyrique, Jean Degottex, aux côtés de ceux de Jacques Clauzel. Ce dernier s’oriente alors vers de grands formats qui se déploient librement dans l’espace. De cet évènement, naît le projet d’une donation au Musée des Beaux-Arts, projet qui se concrétisera en 2018, dans le cadre de la très remarquable exposition « Liège. Chefs-d’œuvre ». La donation offre un aperçu complet de la production de l’artiste : 34 tableaux, 8 cartons d’emballage peints à l’acrylique, 25 dessins et 10 estampes, soit un ensemble de 77 œuvres datant de 2006 à 2018. Elle fera l’objet d’une exposition « Au cœur de l’épure » à La Boverie en 2022.

« Le contraste fait un bruit énorme ».

Qu’il s’agisse de peinture, dessin ou gravure, les œuvres de Clauzel sont peu bavardes – ni titre, ni inscription -, et pleines de retenue : au total une œuvre très cohérente, sans effet gratuit, qui s’apprivoise lentement. L’auteur, il est vrai, a horreur du vacarme, du chaos : « Pas de contraste. J’ai besoin de silence pour réfléchir. Et le contraste fait un bruit énorme (…). L’œuvre s’offre sans artifice. La violence du geste laisse place à la force de l’évidence. Pour exulter, l’œuvre ne réclame ni violence, ni fureur, ni grandiloquence : la qualité de son silence y suffit ».

« Toi qui cherches le jour, fréquente d’abord le noir ».

Dans le même esprit, l’artiste a une approche frileuse de la couleur, lui préférant le noir, le blanc et toutes leurs nuances : « Dans les blancs, les noirs, les gris, toutes les subtilités du monde. Souvent, dans la couleur, sa violence (…). Dans le noir, dans le blanc, toutes les ivresses du monde. Dans la couleur, ses distractions ». Parfois, une intrusion délicate de bleu, de rose, de nacre, d’ocre oranger, des tonalités délicates qui se superposent ou se juxtaposent, sans se mélanger et sans dominer.

« Le papier est une peau ».

Le peintre aime les matériaux pour leur qualité intrinsèque, leur résistance et les hasards qu’ils peuvent générer. Le support est important, il devient un réel acteur dans le processus de création. La toile, le papier, le papier Kraft, le carton d’emballage ondulé, peu importe, le support ne fait pas que supporter mais impose sa propre existence. Pour ses dessins, il utilise des papiers artisanaux somptueux provenant d’horizons lointains, tels que le papier d’Inde, d’Asie, de Corée ou de Thaïlande. Pour ses gravures, il recourt volontiers à du papier Velin BKF Rives. En peinture, il délaisse la peinture à l’huile pour la peinture à l’acrylique et utilise, outre la toile, des supports particuliers tels que le papier Kraft ou encore, plus récemment, le carton d’emballage.

Dès 1985, Clauzel découvre le papier Kraft et ses nombreux atouts, tels que son aspect économique et écologique, et surtout sa très grande résistance. La feuille de papier, rectangulaire, est préalablement préparée : il la divise en de nombreux plis horizontaux et verticaux, en général 31 x 31, formant un quadrillage de plus de mille rectangles. La surface ainsi préparée peut recevoir la peinture acrylique mais celle-ci n’est plus posée au pinceau ou à la brosse mais directement projetée en couches successives. Les pliures retiennent les aspérités, engendrent des reliefs, accentuent les rugosités ; le support s’assimile à une véritable peau : « Le papier est peau. Il est toujours interpénétration de plusieurs peaux concomitantes » (Régine Detambel).

Régine Rémon
Conservatrice honoraire du Musée des Beaux-Arts de Liège